12 septembre - Casablanca - Agadir

La machine du raid est maintenant rodée. Tous les soirs, nous « débriefons » la journée de vol et « briefons » celle du lendemain. Ensuite, un briefing de recalage a lieu chaque matin sur le tarmac. Il sert à nous ajuster en fonction du dernier bulletin météo, de tout changement de route ou de toute autre information importante pour nos escadrons.

Le soleil peine à percer l’horizon alors que nous passons en revue nos plans de vol sur le tarmac en ébullition de Casablanca. C’est ici que nous faisons connaissance avec l’équipage du « Fox Romeo Tango ». Victoria, étudiante en école vétérinaire et pilote privée fraîchement diplômée, rêve de passer une licence de pilote commerciale (CPL) pour participer à des missions humanitaires. À ses côtés, Chloé, spécialiste de la maintenance aéronautique, a obtenu sa licence seulement neuf jours avant le départ du Raid. Et enfin, Bernard, ancien pilote dans l’armée de l’air, endosse le rôle de « safety pilot ». Le voyage de ces deux jeunes recrues est intégralement financé par la FASEJ (Fondation Antoine de Saint-Exupéry pour la Jeunesse).

Un peu plus loin, nous croisons un attroupement d’enfants autour du « Fox Tango Oscar », avec sa magnifique tête de guépard peinte sur sa dérive. Son équipage est le parrain d’une classe de CM2 de Casablanca. Nous prenons un petit groupe de cinq enfants pour leur faire visiter notre appareil. Vincent demande alors aux enfants : « Pourquoi un avion vole ? » Réponse immédiate d’un petit gars : « Les molécules d’air circulent plus rapidement sur l’extrados que sur l’intrados. Cette différence de vitesse crée une différence de pression, avec une pression plus faible sur l’extrados et une pression plus forte sur l’intrados, ce qui génère la portance qui soulève l’avion. »… Nous ramassons nos mâchoires lourdement tombées par terre pour finir la visite de l’avion et félicitons nos invités.

Retour au calme. L’étape de ce matin est relativement courte, mais nécessite encore une attention particulière pour les zones à éviter et les contacts radio à établir. Nous mettrons deux heures trente pour relier Casablanca à Agadir, avec un large contournement obligatoire à l’est de Casa, puis ralliement du trait de côte plus au sud jusqu’à Agadir.

Dès le décollage, nous sommes tout de suite captivés par les paysages qui défilent sous nos pieds. Le Maroc est encore un peu vert dans cette région, mais on perçoit bien le changement, mille nautique après mille nautique. On se rapproche des portes du désert.

Il est difficile de ne pas penser aux pionniers de l’Aéropostale qui ont emprunté cet itinéraire presqu’un siècle auparavant. Contrairement à eux, nous avons le luxe de la technologie moderne, mais le respect pour leur bravoure est omniprésent. Ils devaient certes être éblouis par ces panoramas, mais surtout préoccupés par leurs missions, la météo incertaine et les pannes en tous genres, très fréquentes à l’époque. Il y a eu un mort chaque cent kilomètres de la ligne Latécoère pendant les premières années de l’Aéropostale. Mermoz en fait partie, perdu dans l’Atlantique à bord de l’immense hydravion « La Croix du Sud », entre Saint-Louis du Sénégal et Natal au Brésil.

L’approche d’Agadir est séquencée très prudemment par le contrôleur aérien qui nous prend en charge. Une fois posés, nous effectuons tous les pleins de carburant pour le vol du lendemain, puis nous sécurisons l’avion : commandes verrouillées, cales-roues posées, frein de parc serré, sonde pitot et entrée d’air moteur protégées, pare-soleil installé, portes verrouillées.

L’aéroclub d’Agadir nous accueille très chaleureusement : thé à la menthe, pâtisseries… Merci les amis ! On mesure l’appartenance à une communauté dans ces moments-là. Dans notre univers ailé, la solidarité est compacte et sans fissures —+